vendredi 29 août 2014

Nouveau transfert pour l'aide aux justiciables



La réinsertion des personnes incarcérées, a souffert dans notre pays, des réformes successives de l’Etat qui ont eu pour effet de disperser les compétences respectives, en matière de gestion de la peine, d’aide aux détenus, d’éducation en prison au sens large (enseignement, formation, culture), d’aide sociale aux justiciables et celles qui régissent le dispositif d’insertion socioprofessionnel proprement dit.
Cet état de choses se répercute sur le plan institutionnel dans la difficulté de construire une politique cohérente  impliquant les différents niveaux de pouvoir mais également sur la qualité et la quantité des prestations qui peuvent être offertes sur le terrain aux justiciables, à différents stades de leur parcours.

Une nouvelle étape est en train de se jouer avec le nouveau transfert, au 1° juillet,  de l'aide aux justiciables qui passe de la Région Wallonne où elle avait pris place dans la politique sociale, à la Fédération Wallonie Bruxelles où elle devrait être intégrée dans un nouveau département (communautaire) de la Justice.  Ce transfert  suscite bien des inquiétudes de la part des associations concernées mais comporte peut-être des opportunités pour le futur.

A charge de la Communauté française depuis 1989, l'aide aux justiciables s'est trouvée scindée, en 2001 en trois entités. A l'expérience, un certain nombre d’incohérences résultant de la séparation entre les missions d’aide sociale aux justiciables, devenues régionales et celles d’aide aux détenus, restées communautaires ont été pointées par les associations chargées de ces missions. Un état des lieux du secteur  a  mis en évidence que l’éparpillement des actions menées à l’égard des justiciables, entre de multiples catégories d’agréments et  un grand nombre d’opérateurs,  avait pour conséquence des chevauchements mais aussi des failles dans le dispositif et des solutions de continuité dans  le parcours de la personne incarcérée puis libérée (1) .



Plus récemment, une recherche menée par le Relais social de Charleroi sur le phénomène du sans-abrisme a interpellé les autorités régionales en montrant qu’une des causes du phénomène se trouvait dans les difficultés et les besoins non couverts des personnes remises en liberté après une détention (2).

Les services agréés sont conscients de l’enjeu d’une meilleure transition entre l’aide offerte pendant la détention et celle qui peut être proposée aux personnes libérées.  Le durcissement des conditions de libération anticipée a toutefois pour effet d’allonger sensiblement la période préparatoire pendant laquelle les personnes, toujours considérées comme détenues du point de vue légal, sont amenées à effectuer des démarches sociales et administratives voire à entamer un suivi psychologique auprès d’un service ambulatoire, dans le cadre de mesures telles que des permissions de sortie, de congés et, de plus en plus souvent, d’une mise sous surveillance électronique.  La  prise en charge de ce  public au sein des Services d’aide aux justiciables serait de nature à amorcer efficacement la suite de leur parcours d’insertion mais elle ne peut aujourd’hui être financée sur base de la réglementation existante.  

Dès 2007, le programme Tircis Tremplin pour l'insertion a fait de cette articulation un de ses objectifs opérationnels : c'est ainsi, par exemple, que des permanences psychologiques ambulatoires ont été organisées pour des permissionnaires et autres bénéficiaires de congés.  Une procédure de reprise de contact a également été mise en place pour les anciens stagiaires de formations qui ont bénéficié d'une guidance d'insertion.On se souviendra que l'ASBL  Aide et Reclassement a lancé, en 2012, un programme d’échange de bonnes pratiques avec l’ASBL Trempoline qui faisait également partie du même portefeuille de projets et un panel d’associations bénéficiant d' une expérience en matière de formation sociale .  Sous le titre « Interface Formation Insertion », ce programme d’échanges a récemment débouché sur un rapport final qui peut être consulté sur le site du projet (3).

Les partenaires du projet ont tenu à y souligner la nécessité d’un dispositif coordonné. Les services d’aide aux détenus sont appelés à jouer un rôle structurant du dispositif non seulement au plan organisationnel mais également par leur contribution à l’élaboration du plan de réinsertion des détenus qu’ils prennent en charge.  Leur nouvelle mission de coordination locale les habilite à jouer un rôle privilégié d’interface dans l’encadrement du parcours d’insertion de la personne incarcérée.  Il y a lieu d’établir de réelles connexions entre tous les acteurs (internes et externes) concernés par la réinsertion, pour réussir un travail en profondeur.  Cette dimension devrait avoir une place entière dans les organes de concertation prévus par les nouveaux accords de coopération (4). L’analyse comparée des pratiques de formation sociale en prison et dans une structure intermédiaire pour toxicomanes (le service réinsertion de l’ASBL Trempoline), suggère en outre l’opportunité de passerelles systématiques avec les opérateurs d’insertion (SASJ, EFT, Régies, etc.) permettant à la personne libérée un encadrement plus soutenu pour construire et mettre en œuvre un projet d’insertion réaliste et durable.
L'équipe d'Aide et Reclassement  a puisé  dans ces recommandations, un certain nombre d’éléments structurants pour un  portefeuille de projets « inclusion sociale des personnes fragilisées » en réponse au nouvel appel à projets du Fonds social européen.  Nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement.
Entretemps, certaines intentions formulées dans le contexte du transfert et, plus récemment, lors de la déclaration de politique communautaire laissent entrevoir un espace pour de telles préoccupations dans la future politique du Gouvernement de la FWB, même si l'arrière fond de rigueur voire de rationalisation budgétaire ne permet pas trop d'optimisme.
(1) Etat des lieux du secteur de l’aide sociale aux justiciables en Région Wallonne, Commission consultative wallonne de l’aide sociale aux justiciables 2008, 65p.  
(2)Rapport de  l’étude réalisée par LELUBRE, Marjorie,  chercheuse au Relais social de Charleroi, 2008.
(3) Le projet Interface Formation Insertion en prison : bilan d’un échange de bonnes pratiques, ASBL Aide et Reclassement, décembre 2013, 68 p.
http://www.interfaceformationinsertion.be/
(4)Accord de coopération entre l'Etat fédéral, la Communauté française et la Région wallonne en vue de créer une politique carcérale cohérente dans le respect des compétences des entités fédérées et de l’autorité fédérale. Signé le 23/5/2014.


 
Daniel Martin
Coordinateur Aide et Reclassement
+ 30 ans au services des justiciables



lundi 11 août 2014

2014 Année de transition

A bien des égards, l'année en cours apparaît comme une année de transition tant pour les actions  de l'ASBL Aide et Reclassement que pour son contexte de travail.

Poursuite du programme TIRCIS Tremplin pour l'insertion

Précisons le d'emblée, l'ASBL a eu la possibilité de poursuivre cette année les projets relevant de la programmation 2007-2013 du F.S.E.  S'appuyant sur les décisions du Gouvernent wallon, elle a bénéficié, en effet, d'un préfinancement F.S.E. pour l'exercice civil 2014, à la condition notamment de s'engager à introduire une demande d'intervention dans le cade de la future programmation 2014-2020.  Nous y reviendrons. En pratique,  le montant de l'aide accordée par le F.S.E. a été déterminé par la moyenne des engagements  des années antérieures. Cela se traduit par une baisse (temporaire, nous l'espérons) de 25.000 euros des moyens d'action affectés au projet, avec  ce que cela implique de contraintes supplémentaires pour la gestion des ressources du projet, singulièrement en terme de personnel affecté et de moyens de fonctionnement pour des objectifs équivalents. 
Certes l'exercice pourra, idéalement, émarger également à la nouvelle programmation (2014-2020) pour autant que le nouveau dossier soit retenu.  C'est donc avec impatience que nous avons attendu l'annonce du nouvel appel à projets.  Comme beaucoup d'associations, nous avons découvert le 14 mars les règles de ce nouveau concours et le délai, particulièrement court, pour introduire nos projets.
Une des particularités du nouvel appel était l'obligation de rattacher nos projets à un portefeuille de projets à l'intérieur duquel il fallait construire une cohérence entre les différentes initiatives qui le composeraient.
A cet égard, nous avons peu compter sur les enseignements et les contacts établis durant deux ans dans le cadre du projet d'échanges Interface Formation Insertion (voir notre site www.interfaceformationinsertion.be) et sur l'appui de la DGO5 du S.P.F. Wallonie pour la redynamisation du portefeuille "Inclusion sociale" auquel nous étions rattachés.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les principaux accents du nouveau projet qui a été  introduit dans les temps et pour lequel nous attendons désormais une décision.  Après les avis des experts de la Task Force, viendront les arbitrages gouvernementaux, le tout, nous l'espérons, le plus tôt possible (début 2015, sans doute).  Certes, la situation d'attente dans laquelle nous nous trouvons n'est pas confortable  mais la qualité des projets, la détermination des partenaires, l'engagement de l'ASBL et de ses équipes devraient nous permettre de faire face à ce nouveau défi.